Alexandra Rivière-Lecart – psychologue : Qu’est-ce que la dermatillomanie ? (vidéo)

La dermatillomanie est un TOC de triturages et de grattages de la peau, excessifs et répétés, induisant des plaies, des marques et des cicatrices sur la peau, voire de graves problèmes dermatologiques. La personne qui souffre de ce trouble ressent une grande honte due à l’état de sa peau, un isolement, ainsi que beaucoup de culpabilité en raison de l’incapacité à maîtriser les envies irrépressibles de triturer ou gratter sa peau.

Alexandra RIVIERE-LECART, psychologue clinicienne (membre actif de l’AFTCC, fondatrice TCC Paris, fondatrice SCM Centre de Psychologie Ponthieu) et psychothérapeute en Thérapie par Réalité Virtuelle (TRV)Thérapie Comportementale et Cognitive (TCC) et Thérapie Exitentielle a découvert la dermatillomanie en 2009. Ce syndrome n’était alors pas reconnu comme un trouble à part entière, il a pourtant été identifié pour la première fois en 1898 (par le Dr L. Brocq). Face au nombre important de personnes qui semblaient en souffrir et qui cherchaient une thérapie (on sait aujourd’hui que c’est plus d’un million de personnes en France sur 7 millions de français qui ont des TOC), la psychologue A. Rivière-Lecart a fait de la recherche, élaboré ses propres tests et créé un protocole spécialement pour ce trouble. Les thérapies classiques semblant apporter peu de résultats. Elle traite désormais les patients « dermatillomanes » dans son cabinet à Paris (8e) ainsi qu’à distance (par Skype) dans toute la France et à l’étranger (plus de 15 pays) avec des patients francophones. En 2013, elle créé Dermatillomanie France avec un site internet informatif accessible à tous (patients, entourages et professionnels) et propose des formations complètes de prise en charge thérapeutique de la dermatillomanie pour les professionnels de santé. En Juin 2015, la dermatillomanie est reconnue comme un vrai trouble et classé dans les TOC dans le Manuel Diagnostique international du DSM-5 (American Psychiatric Association). En 2015, le cabinet Dermatillomanie France s’agrandit et devient le Centre Dermatillomanie France avec une équipe de psychologues, des groupes de parole, des groupes de consolidation, des soirées d’informations gratuites, des formations et des supervisions. A ce jour en France, cinq psychologues et psychothérapeutes ont reçu la formation Dermatillomanie France (voir la liste).

https://www.youtube.com/watch?v=214PT5EdINA

Site Internet : http://dermatillomanie-france.com

Qu’est-ce que la dermatillomanie ?

La dermatillomanie est un trouble apparenté aux TOC, caractérisé par la vérification, le triturage et/ou le grattage excessif et répété de la peau entrainant des lésions des tissus. Egalement connue sous d’autres noms : acné excoriée, grattage compulsif, skinorexie, grattage pathologique, cueillette de la peautriturage incontrôlé, acné excoriée de la jeune fille… c’est une manie de soulagement des tensions internes et psychiques, ayant des conséquences dermatologiques (bibliographie). Elle toucherait 1,4% de la population en France, c’est à dire environ 900 000 personnes. Bien plus connue depuis quelques années au Canada et aux Etats-Unis (Skin PickingDermatillomania), c’est un trouble encore peu connu en France ainsi que dans le monde,  des professionnels comme des patients. C’est pourtant un trouble qui se traite.

Bien que le premier article sur la dermatillomanie remonte à 1898 (Brocq – L’acné excoriée des jeunes filles et son traitement. Extrait de la Revue générale de Clinique et de Thérapeutique – Journal des Praticiens – 12: 193–197 ), il ne sera reconnu que dans la 5e version du DSM, sorti en juin 2015 en France (Mai 2013 aux USA). Le DSM-5 classe la dermatillomanie (triturage pathologique de la peau – 698.4, L98.1) dans « Troubles obsessionnels-compulsifs et apparentés » (p. 275) qui inclus également : le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), l’obsession d’une dysmorphie corporelle, la thésaurisation pathologique (syllogomanie), la trichotillomanie (arrachage compulsif de ses propres cheveux), le TOC induit par une subsentance/un médicament et le TOC dû à une autre affection médicale.

La dermatillomanie est également considérée comme un CRCC – « Comportements Répétitifs Centrés sur le Corps » (Body Focused Repetitive Behaviors). Ce sont des gestes répétitifs « d’auto-toilettage » (self-grooming) consistant à se tirer les cheveux, se gratter, se triturer ou se mordre la peau… au point de se causer de façon autonome des blessures ou des dommages sur son apparence. Ces comportements peuvent entraîner une décoloration de la peau, des croûtes, des plaies ou des cicatrices. Ce qui entraîne beaucoup de honte et de culpabilité chez la personne qui en souffre. Les CRCC associés sont généralement : la trichotillomanie (s’arracher les cheveux), se mordiller les lèvres ou l’intérieur des jours, ou l’onychotillomanie (se ronger les ongles). Afin de cacher l’état de leur peau, les dermatillomanes peuvent se camoufler avec divers vêtements et accessoires (maquillage, chapeau, pull à manches longues, pas de décolté, des pantalons l’été, foulard, écharpe…).

La dermatillomanie n’est pas une « mauvaise habitude » mais bien un  trouble psychologique qui concernerait environ 1,4% de la population (autres chiffres : schizophrénie=0,7%, anorexie=1,5%), soit près de 930 000 personnes en France. Aux Etats-Unis, les CRCC (Comportements Répétitifs Centrés sur le Corps) dont la dermatillomanie concerneraient environ 12 millions d’Américains de tous âges, sexes, nationalités et profils socio-culturels différents. En France, les estimations seraient de 1,4 à 5,4% de la population générale).

Les personnes  souffrant de dermatillomanie peuvent toucher, triturer, frotter, gratter, chercher ou enfoncer leurs ongles sur leur peau, afin d’éliminer les petites irrégularités ou les imperfections perçues. Elles peuvent  passer beaucoup de temps à regarder leur visage dans un miroir ou examiner les différentes parties de leur corps, afin de chercher les imperfections. Parfois, elles peuvent utiliser des objets spécifiques afin de purifier leur peau (pince à épiler, aiguilles, épingles…). Certaines d’entre elles ne cherchent pas seulement les boutons mais également les poils incarnés perçus eux aussi comme des imperfections ou irrégularités à éliminer.

Le refoulement des émotions, la non-verbalisation de tabous et de non-dits, les problématiques de mauvaise estime de soi (fragilité narcissique) et un profil perfectionniste sont souvent à l’origine de cette pathologie. Il se peut également qu’après certaines difficultés psychologiques, ces personnes aient trouvé sans le vouloir un exutoire, un soulagement dans le comportement du triturage ou du grattage. Puis ce sont de « mauvaises habitudes » et enfin des rituels impulsifs qui se sont mis en place. Au bout d’un certain temps, le dermatillomane connait de grandes difficultés à se débarrasser de ses  comportements.

Toutes les zones du corps peuvent êtres concernées par les grattage ou triturages de la peau (visage, cuir chevelu, nuque, cou, épaules, décolleté, poitrine, aisselles, bras, mains ventre, dos, région pubienne, jambes, pieds). Les comportements peuvent survenir lorsqu’une personne éprouve des sentiments tels que l’anxiété, la peur, la solitude, la colère, l’excitation ou l’ennui. Le comportement de grattage procure du soulagement, de la satisfaction, voire du plaisir à enlever les imperfections de sa peau et à se purifier. Plusieurs heures par jour peuvent être consacrées au triturage ou grattage de peau.

Ces comportements répétitifs peuvent influer négativement sur la vie sociale, professionnelle, intime ou familiale de l’individu (arriver en retard, ne pas aller au travail/à l’école, ne pas pouvoir mettre certains vêtements, ne pas pouvoir faire de sport, ne pas pouvoir aller à la piscine ou à la mer…). En plus du fait que la dermatillomanie soit peu connue, les personnes souffrant de ce trouble n’osent souvent pas en parler à leur entourage, ce qui ne contribue pas à la connaissance de ce trouble dans la population. Ils se sentent souvent incompris et témoignent d’une grande solitude. Bien qu’on entende souvent leur entourage leur dire « mais contrôle-toi, arrête de te gratter ! », ces personnes doivent comprendre que la dermatillomanie est un comportement impulsif et donc la personne connaît de grandes difficultés à se contrôler. Souvent, elle ne réalise qu’elle est en train de se gratter qu’après plusieurs minutes et perd la notion de temps (état de semi-conscience ou état dit « hypnotique »). Elle peut aussi se rendre compte qu’elle se gratte… mais ne pas arriver à s’arrêter.

Les conséquences des grattages ou triturages répétés sont les croûtes, les cicatrices, les plaies et les infections sur la peau. Dans les cas les plus sévères, de graves lésions tissulaires et des défigurations visibles avec une décoloration de la peau peuvent résulter de ces comportements excessifs.

Le traitement le plus adapté pour ce trouble et proposé par Dermatillomanie France est la thérapie intégrative incluant la thérapie comportementale (exercices ciblés sur le déconditionnent des comportements de grattages et triturages), la thérapie analytique (étude des tensions internes et causes psychiques des grattages), un travail sur les émotions (colère rentrée, honte, déception de soi, culpabilité, dégoût…), un travail sur les tabous et non-dits, des exercices de relaxation et de mindfulness, ainsi qu’un travail sur l’estime de soi et l’image corporelle.

Attention ! Une personne qui se gratte ne souffre pas forcément de dermatillomanie. Elle peut présenter d’autres troubles. Avant d’effectuer un bilan psychologique au cabinet, il est nécessaire de faire au préalable un bilan médical chez un médecin ainsi que chez un dermatologue, afin de pouvoir éliminer les autres causes de grattages : maladies dermatologiques (eczéma, prurigo, dermatite factice, zona, urticaire, psoriasis, dermatite atopique), affection organique (gale), toxicomanie (sevrage des opiacés), scarifications/automutilations, troubles auto-immunes, parasites, syndrome de Prader-Willy, syndrome de Smith-Magenis, troubles du développement (autisme), hallucinations tactiles/syndrome d’Ekbom…

Alexandra RIVIERE-LECART  – Psychologue clinicienne et Psychothérapeute, fondatrice de Dermatillomanie France – 2013